Histoire du "musée des artistes vivants" du Luxembourg

La ménagère de Joseph Bail acquise en 1898 au salon,  actuellement en reserve au Sénat.

Au crépuscule de¨Paul Chabas acquis après le salon de 1905 est à l'inventaire d'Orsay et indiqué déposé à l’ambassade de Vienne
La justice du Chérif de Benjamin Constant. Déposé au musée d'Abbeville ,détruit dans l'incendie de la chapelle en 2005 
Chauchard par Benjamin Constant
Très riche, très inculte d'après ses ennemis,  achetant à chaque salon, on lui doit  l'angélus de Millet et une dizaine de Meissonier.  
Le musée du Luxembourg eut exactement la même fonction que Beaubourg aujourd'hui: présenter les œuvres d’artistes contemporains. Il s'en acquitta avec un peu de retard  quand les impressionnistes "révolutionnèrent" la peinture ( mais il y a  eu depuis bien des révolutions) mais fut riche de dons de collectionneurs avisés.
Le musée du Luxembourg évoque pour moi les illustrations du grand Larousse 1900 : les œuvres des peintres pompiers. Ces "chers maîtres" de l'art académique sombrèrent dans l'oubli et ne retrouvèrent un peu de crédit qu'avec l'ouverture du musée d'Orsay.  

Le musée du Luxembourg est le plus ancien musée de France. Il ouvrit en 1750 en proposant la salle Rubens -le cycle de la  vie de Catherine de Médicis- et 96 toiles tirées des collections royales. Le public y avait accès 2 après-midi ou deux matinées  par semaine suivant la saison.
Fermé à la fin de l'Empire il fut rouvert en 1818 comme "musée royal du Luxembourg destiné aux artistes vivants". C'est donc aussi le premier musée d'art moderne, destiné à être l'antichambre du Louvre ou les tableaux entreraient après le déces de leur auteur. Il y a  tout d'abord 74 tableaux prélevés un peu partout. C'est la chambre des pairs qui assure la gestion du musée jusqu'à la révolution de 1848 ou est créé une direction des musées nationaux sous la direction d'Auguste Jeanron - un peintre honorable- qui nomme conservateur au département des peintures du Louvre et du Luxembourg  Frédéric Villot qui va créer une section de gravures. Le musée n'eut son propre conservateur qu'en 1867, ce fut Philippe de Chenneviéres qui acquiert pas mal de tableaux des salons et réussit à agrandir un peu l'espace du musée.  Le sénat exilé à Versailles revint au Luxembourg en 1879 et les beaux arts furent contraint de se réfugier dans  l'orangerie en 1886. En 1879 aussi c'est Etienne Arago, un écrivain républicain de 80 ans, qui  devient conservateur
Le musée est décidément trop petit et son conservateur se démène pour qu'il déménage dans le séminaire de saint Sulpice voisin et vide.
Quand Arago décède en 1892 c'est Leonce Benedite qui lui succède. Il se dépensera beaucoup jusqu'en 1925 mais ne réussira pas à obtenir le transfert du musée  au séminaire car une première fois c'est la guerre de 14 qui l'en empêche et ensuite c'est l'opposition des chambres à un mécène américain.
Le musée ouvre cependant une section étrangère au Jeu de Paume grâce essentiellement au dons de M Edmund Davis.
Le musée accueille les  impressionnistes, en particulier avec les legs Caillebotte et Camundo, reçoit la collection Chauchard de peintres pompiers et les Gustave Moreau d'Hayem.
Le dernier conservateur sera Louis Hautecoeur 

Avec l'exposition de 1937 on construit le palais de Tokyo qui abritera  le musée national d'art moderne dans son aile gauche. Le musée du Luxembourg est fermé mais le nouveau musée n'ouvrira qu'en 1942.
En 1939 les collections sont dispersées, les œuvres jugées indignes du Louvre sont distribuées dans les musées de province ou ... ailleurs ( préfectures, ambassades,..).
Depuis 1979 le musée du Luxembourg est ré-ouvert, privé de la surface de l'orangerie,  avec pour mission "d'organiser des expositions ambitieuses"
La fin du déluge. Brion 1864. Disparu en 1955 !
Les tableaux du salon de 1864 achetés par l'état pour le Luxembourg
De gauche à droite et de bas en haut et (lieu actuel):  la fin du déluge de Brion ( disparu), la foire aux servantes de Marchal (Bouxviller), Crépuscule de Berchère ( disparu ?), Vue du Tibre de Lanouè (?) , Centaures chassant un sanglier de Scutzenberger (réserve Orsay), Funérailles au columbarium de Le Roux ( réserve Orsay), Souvenir du lac de Nemi de Cabat (?).

Le musée en 1818


Le plan du musée vers 1900. Les salles de peinture sont redevenues aujourd'hui une orangerie
Première salle de peinture avec les objets d'art. Au fond Caïn de Cormon
Salle des peintures avec le baiser de Rodin vers 1920
Seconde salle de peinture
A droite Avoines en fleurs de Quignon, à gauche l'atelier des Batignolles de Fantin Latour
Vue latérale de la salle de sculpture .
Au fond l'immortalité par Longepied
Salle de sculpture vers 1910. A droite Tanagra de Géromee
Salle de sculpture vue de la salle de peinture avant 1900
Salle de sculpture vue du vestibule avant 1900
On y voit des tableaux empruntés au Louvre, aux
palais, aux ministères ou prêtés par des particuliers.
Il y a la mort de Socrate, les Sabines,Léonidas, Brutus, les horaces, Paris et Héléne de David ( alors en exil pour cause d'opinions républicaines ) , la vengeance divine de Prudhon vient du palais de justice, l'école d'Appelle de Broc ( élève de David, tableau présenté au salon de 1800).
Vers 1850 les David retourneront  au Louvre.

Le musée vers la fin du second Empire

 On y trouve la Jeanne d'arc d'Ingres, la barricade de Delacroix, solferino et l'état-major de l'empereur de Meisonier, le Tépidarium de Chasseriau, Les pélerins de la mecque de Belly, Le printemps de Daubigny, la chasse au faucon de Fromentin, l'inondation de Paul Huet, L'Orphée de gustave Moreau, l'amende honorable de Legros, la peste à Rome de delaunay, Suzanne de Henner.

Chaque année l'état achète au Salon un certain nombre d'oeuvre, la plupart destinées au Luxembourg. Celui devient donc le lieu de l'art contemporain officiel.
En 1863 l'Empereur crée cependant  le Salon des refusés. 

Le musée vers 1880

En 1874 et 1879  les Delacroix prennent le chemin du Louvre.
Il y entre Venise de Ziem, le bord de rivière et effet d'orage de Rousseau, la Marseillaise de Pils, la comédie humaine de Hamon, le matin et le soir de Dupré,  le ruisseau du puits noir et l'homme à la ceinture de cuir de Courbet, deux Diaz, un Chintreuil, un Richard, deux Georges Michel.

L'art officiel commence a se diviser. Le salon de l'académie des beaux arts devient en 1881 le salon des artistes français. Meissonier, alors maître le plus respecté des peintres français, patronne un nouveau salon au Champs de Mars en  1890 sous les auspices de la société nationale des beaux-arts  

Le musée vers 1900

C'est le pauvre pécheur de Puvis de Chavanne, un atelier aux Batignolles de Fantin Latour, les jeunes filles au piano de Renoir, la famille du peintre de Carrière.
En 1890 une souscription nationale achète pour le Luxembourg L'Olympia de Manet. Sur l'insistance de Clémenceau elle entrera au Louvre en 1907.

L'affaire Caillebote

Caillebotte décède en 1894 et lègue à l'état sa collection "de telle façon que ces tableaux n'aillent ni dans un grenier , ni dans des musées de province mais bien au Luxembourg et plus tard au Louvre", C'est Renoir qui est l'exécuteur testamentaire.
Il y a là 65 tableaux,  des Cèzanne, Manet, Monet, Pisarro, Sisley, Degas ...
Benedite, dont le gout pour les impressionnistes est modéré, ne veut pas les accepter tous car il n'a pas la place. Le musée n'acceptera que 40 tableaux  pour lesquels une salle sera spécialement construite.
Il y a l'église de Vétheuil, la gare St Lazare, le déjeuner, le givre, les rochers de Belle-Isle de Monet,  le moulin de la galette de Renoir, le pont de Chatou de Sisley, la danseuse sur la scène et la danseuse nouant son brodequin de Degas.

Les impressionnistes commencent donc à être reconnus - Manet a même obtenu un deuxième prix au salon de 1881 -. Le Salon des indépendants est créé en 1884, suivi du Salon d’automne en 1903.

Le musée vers 1920

La collection Chauchard entre au musée en 1909. Celui ci, parti de rien, possédait avec son associé Hériot les magasins du Louvre. Il avait le gout classique des bourgeois de l'époque et aimait les sujets anecdotiques.A chaque salon il achetait des toiles aux peintres à la mode. Il légua , l'angelus de Millet, des Rousseau des Tryon des Diaz et des Meissonnier. 
Moreau Nelaton donne le déjeuner sur l'herbe et le legs Isaac de Camundo contient quatre cathédrales de Monet.
le baiser et d'autre œuvres de Rodin entrent au Luxembourg.
Le gout change et les tableaux des  peintres pompiers, qui avaient fait la gloire du Luxembourg, prennent le chemin des réserves au lieu d'aller au Louvre et il n'en sortiront partiellement qu'avec l'ouverture du musée d'Orsay. 
On note Matisse, Bonnard  ou ou Maurice Denis dans les collections.

Après la guerre le salon agonise, l'état n'a plus le rôle de mécène de l'art officiel qu'il a eu durant tout le XIX e siècle. 

Le musée en 1930

Les impressionnistes sont partis au Louvre en 1929. On y trouve Dunoyer de Segonzac, Gauguin, Seurat, les panneaux recomposés de la baraque de la Goulue, Van Dongen, Vlaminck.
Qui se souvient des peintres de l'entre deux guerres tels que Déziré, Félex, Zingg, André (Albert), Marval .. ?  
Une période d'oubli est surement nécessaire pour les artistes ayant eu du succès de leur vivant. Il doit falloir  un siècle pour qu'une oeuvre soit "réévaluée" ou définitivement oubliée. 

Sites et références

  • Catalogue des oeuvres du musée d'Orsay ( et bases Arcade et Joconde)
  • Notice des peintures et sculptures. Frédéric Villot 1853 
  • Le musée du Luxembourg en 1874 Geneviève Lacambre 1974 
  • Le musée du Luxembourg. Léonce Bénèdite. 1894
  • Les chefs d'oeuvre de la peinture au musée du Luxembourg. Lapina, vers 1910
  • Catalogue des œuvres du musée du Luxembourg. 1923
  • Catalogue du musée 1931
  • Les maîtres de la belle époque. Crespelle. Hachette
  • Les peintres pompiers. James Harding. Flammarion
  • Anthologie des peintres pompiers. J J Breton. Les introuvables 
  • Peinture kitsch ou réalisme bourgeois. A Celebonovic. Seghers  
St Laurent martyr par Lehoux.
Déposé à Nimes, présumé perdu puis retrouvé roulé dans les réserves du musée en 2005
Marchand d'esclaves par Giraud
Ce must des planches du  Grand Larousse 1900 est exilé à la mairie de Sermaize les bains