Le musée de la sculpture comparée et le musée des monuments français: de Trocadéro à Chaillot


 Plan 
  • Le palais du Trocadéro: le musée de la sculture comparée
  • Le palais de Chaillot: du musée des monuments français à la cité de l'architecture 
  • Sites et références
    • Vezelay et Moissac
    • Les deux autres musées du Trocadéro
    • Le musée Indochinois
    • Architectural museum et South Kensington Museum
Le palais du Trocadéro de  Davioud en 1878.
Le promenoir, atrium, sera clos pour l'exposition de 1900
Musée indochinois au Trocadéro à l'extrémité de l'aile de Passy
Musée de sculpture comparée, salle moderne N.
Fragment du départ des volontaires de Rude.
Musée de sculpture comparée. Salle M
L'hôtel  Bernuy
Musée de sculpture comparée. Salle D
A gauche le tombeau de Louis de Brézé, au centre le tombeau du duc de Bretagne François II et de sa femme., au fond la porte du palais ducal de Nancy
Musée de sculpture comparée. Salle B'.
 Le puits de Moïse 
Plan du musée en 1927
La salle XVIIe siècle au 2e étage du musée des monuments français actuellement occupée par l'architecture moderne.
L'aile Davioud "rhabillée" du Musée des monuments français dans les années 60.
La chapelle d'Avioth
Les sous-sols ou était l'atelier des moulages
L'idée d'un musée historique de l'art français remonte au peintre Doyen et à Alexandre Lenoir, fondateurs en 1792 du musées des monuments français. 
L'idée d'un musée de moulages apparait dans une pétition de 1848 des mouleurs de Paris  mais c'est à Viollet le Duc  que l'on doit la création du musée  en 1882.
L'histoire du musée est liée aux transformations du palais du Trocadéro de 1878  pour l'exposition de 1937 et a des oscillations entre la réalisation d'une encyclopédie de la sculpture, à une ouverture sur la peinture murale et les verrières, et finalement à un recentrage vers l'architecture.  

Le palais du Trocadéro de 1878

L' ancien Trocadéro fut construit pour l'exposition universelle de 1878 et contenait "l'exposition des arts rétrospectifs" . L'aile Ouest était dédiée à "l'exposition historique de l'art ancien" de la préhistoire  aux temps modernes et l'aile Est à "l'exposition ethnographique des peuples étrangers" de l'Egypte à la Suède, avec une mention spéciale pour les objets du musée  cambodgien de Compiègne.
Après l'exposition  les galeries de l'ancien palais du Trocadéro furent affectées à un "musée de la sculpture comparée".
L'idée venait de Viollet le Duc, auteur entre autres de la restauration de Notre dame de Paris, de la sainte Chapelle, de Carcassonne,..,  également écrivain prolifique et fondateur de la première chaire d'histoire de l'art.
Depuis 1807 l'école des Beaux Arts avait accumulé dans ses locaux pas mal de moulages de sculptures  classiques  mais l'idée de Viollet le Duc était de comparer les sculptures françaises depuis le haut moyen-age  aux sculptures antiques et étrangères .
Il proposa en 1879 le programme d'un musée (1)  ou les sculptures de l'antiquité jusqu'à l'époque moderne seraient exposées  et   décéda la même année. Le musée s'ouvrit en 1882 .

Le musée occupa d'abord la galerie Est (aile de Paris)  puis s'étendit à la galerie Ouest (aile de Passy) en 1889.
Le premier conservateur  Geoffroy Dechaume forma la collection initiale du musée de 1878 à 1892, les moulages sont pour la plupart ceux des exemples cités par Viollet le Duc dans son dictionnaire (2) comme caractéristiques de l'art médiéval.
Le musée partage  le palais avec le musée indochinois de Delaporte qui présente sculpture originales,  moulages et maquettes du temple d'Angkor  et aussi avec le musée d'ethnographie installé au 1er étage (3)
La seconde période du musée, celle de  Camille Enlart de 1904 à 1920, se veut encyclopédique, le catalogue atteint alors plus  de 7000 numéros.
La présentation était chronologique mais du fait de   l'extension progressive du musée les périodes étaient dupliquées  du XIIe au XVIe dans les deux ailes. L'extrémité de la galerie Ouest recevant peu à peu les moulages du XVIIe au XIXe siècle. On clôtura la galerie extérieure  qui était à l'origine un promenoir ouvert, l'atrium, à l'occasion de l'exposition de 1900 et le musée s'y installa en 1903. On y plaça à l'Est la sculpture étrangère du XIIe au XVIe siècle et à l'Ouest les moulages de l'antiquité à l'époque carolingienne, les maquettes d'architecture et les vitraux français.
Les ateliers de moulage des musées nationaux furent installés en 1927 dans les vastes sous-sols du palais

Le palais de Chaillot de 1937

L'exposition de 1937 mis à bas le centre de l'ancien Trocadéro qui contenait une salle de concert de 5000 places à l'acoustique défaillante et entraîna le doublage en épaisseur des ailes  avec un rhabillage à la mode "moderne".
Le musée fut regroupé dans l'aile de Paris (Est) élargie,  l'autre aile étant dévolue au musée de la marine et au musée de l'homme.
A l'ouverture de l'exposition les deux galeries du rez de chaussée étaient a peu près en place ( la nouvelle coté Seine à la place de l'ancienne galerie ouverte et l'ancienne, oeuvre de Davioud,  avec sa structure en fer rhabillée de stuc). Le  déménagement partiel du musée avait entraîné la destruction de certains moulages et il fallu les recréer.
C'est Paul Deschamps qui fut le conservateur  de 1938 à 1956 et qui lui donna une nouvelle orientation renonçant à l'encyclopédie trop riche d'Enlart.
On abandonna les statues antiques et étrangères qui partirent, ou se perdirent, dans d'autres destinations  ( dont le château de Versailles).
Il restait à occuper les étages et on décida d'installer dans le pavillon d'entrée les peintures murales, le reste devant être consacré à la sculpture depuis le XVIIe siècle  et aux maquettes.(4)
La reproduction des peintures  fut possible car on disposait de très nombreux relevés, les premiers remontant à la période ou  Prosper Mérinée était inspecteur général des monuments historiques.
La première réalisation fut la voûte de St Savin sur Gartempe (5).
En Juin 1945 on ouvrit le premier étage consacré aux peintures romanes. Le deuxième étage fut consacré aux peintures du XIIIe et XIVe siècle et le troisième aux peintures du XVe et du XVIe siècle. Le tout fut inauguré en 1959. On installa aussi dans le hall d'entrée des reproductions des verrières des cathédrales (6).
Ensuite ce fut le début de la décadence.
Le musée perdit d'abord ses maquettes et les dessins de Viollet le Duc au profit de l'office de documentation des monuments historiques (7)
En 1972 le musée doit faire de la place pour l'installation de la cinémathèque française et du musée du cinéma dans le pavillon de l'extrémité Est de l'aile. On pensa ensuite  installer  au 2e étage de l'aile l'atelier de danse de Béjart. Un incendie en 1997 entraîna la fermeture du musée et de la cinémathèque.
Les phenixs gérés par l'état sont fort longs à renaître de leurs cendres (ainsi que les belles au bois dormant, par exemple  je voudrais bien que le musée des arts et traditions populaires rouvre un jour). L'ouverture de la cité de l'architecture était prévue en 2003.
Ce fut en 2007 que la cité de l'architecture et du patrimoine ouvrit ses portes avec au second étage, à la place des sculptures "modernes", une galerie d'architecture   retraçant l'histoire de l'architecture française depuis 1850.
A l'occasion  on a démonté le décor de staff de l'ancienne galerie du Trocadéro qui a retrouvé un peu de son aspect en 1878. Un escalier et un ascenseur ont été installés au milieu de l'aile, la bibliothèque a intégré le premier étage du pavillon central alors que les sous sols pouvaient accueillir les expositions temporaires.
Le musée n'expose pratiquement plus de sculptures postérieures au XVIIe siècle (8) et la nouveauté la plus impressionnante du 2e étage est l'unité d'habitation de la cité radieuse de Le Corbusier en taille réelle.

Viollet le Duc voulait montrer des exemples de sculptures accompagnant l'architecture, Enlart voulait faire une encyclopédie exhaustive de la sculpture, Deschamps voulait étendre le musée aux peintures, vitraux et plus généralement aux arts décoratifs, la formule actuelle est plutôt bâtarde ainsi que l'indique son titre double "architecture et patrimoine". Le risque est évidemment qu'un aspect l'emporte sur l'autre et si on en juge par les titres des expositions temporaires c'est l'aspect architecture moderne et contemporaine qui est mis en avant (9).

La grande Bretagne conserve aujourd'hui une quinzaine de musées contenant des moulages et on peut en dénombrer une quarantaine en France

Pour terminer n'oublions pas les plâtres de l'école des Beaux arts -oubliés et bien malmenés en 1968 - et la dispersion des plâtres du Metropolitan Museum of Art  en 2006 par Sotheby's 
  1. L'Angleterre exécuta dès 1855 des moulages de monuments français destinés aux collections du Crystal Palace et de South Kensington dans l'indifférence des Beaux Arts.
     Le programme de Viollet le Duc comprend 3 volets:
    1. Relation entre les sculptures appartenant à différentes époques et la civilisation
    2. Pour la France, divisions par écoles aux différentes époques
    3. Application de la sculpture suivant le système d'architecture employé
    Dans un second rapport Viollet le Duc décrit précisément les salles de son musée pour lesquelles il installe toujours en contrepoint de l'art français des exemples étrangers ou d'autres époques.



  2. Dictionnaire raisonné de l'architecture française  du XIe siècle au XVIe siècle. A la suite de Viollet le Duc c'est Anatole de Baudot qui ouvrira en 1887 le premier cours d'architecture française du moyen age et de la Renaissance. La cité actuelle possède toujours un département formation destiné à  ceux qui s'intéressent à l'histoire et aux techniques  des bâtiments anciens. 
  3. A l'origine on prévoit 3 musées au Trocadéro: le musée d'ethnographie, le musée des moulages de l'Assyrie et l'Egypte à la décadence romaine dans l'aile Passy, le musée de sculpture comparée de Viollet le Duc dans l'aile Paris.
    Comme à l'exposition de 1878 l'aile de Paris avait été occupé par  "l'exposition ethnographique des peuples étrangers", le musée ethnographique s'y installa mais fut déménagé  "par une escouade de marins que l'amiral Jauréguiberry m'y gracieusement à disposition" au 1er étage du palais  pour faire place au musée de la sculpture comparée.
    Le musée des moulages antiques ne verra pas le jour  mais on installera au bout de l'aile Passy le  musée Indochinois (auparavant à Compiègne)  jusqu'à la mort de Delaporte en 1924 . On transféra alors peu à peu les originaux à Guimet . Les moulages seront "stockés" après la fermeture définitive du musée en 36 et échapperont de peu à la destruction.
  4. Le musée ethnographique, inauguré lui aussi en 1882, deviendra le musée de l'homme en 1938.
    Rappelons qu'à l'époque le musée de la Marine est au Louvre. Ce musée est issu de la "salle de Marine" créée en 1748, il contient au XIXe siècle une section ethnographique ( les marins sont explorateurs). Ces collections seront versées en 1905 au musée des antiquités nationales, au musée chinois de Fontainebleau et au musée ethnographique du Trocadéro. 
  5. 32 maquettes d'architecture et 36 maquettes de charpentes qui ne furent jamais totalement exposées.
  6. Les visiteurs actuels du misée ne la voit plus car c'est aujourd'hui le plafond d'une salle de lecture de la bibliothèque
  7. Chartres, Bourges, Le Mans, Rouen et la Sainte Chapelle
  8. Deschamps dirigeait les 2 institutions mais l'office devint l'actuel centre de recherche dépendant des monuments historiques alors que le musée dépend des musées de France.
  9. Il n'y a également plus que 5 vitraux exposés
  10. Il est évident qu'il manquait un musée de l'architecture, on a comblé le vide en créant une association hasardeuse. On aurait pu ressusciter le défunt musée des travaux publics (dont le bâtiment -du à Perret-  est occupé par le Conseil Economique et Social),  complément naturel d'un musée d'architecture moderne. L'aspect patrimoine aurait lui pu être associé aux collections -bien malmenées- de l'école des Beaux Arts. Les moulages rejetés par l'actuel musée et par le musée historique de Versailles seront ils conservés ? ( on en trouve dans le sous-sol de Pierrefonds).

Sites et références

Vezelay et Moissac

Musée de sculpture comparée à ses débuts. Salle A
Le portail de Vezelay au centre, à gauche le tympan de  Moissac
En 1911 le musée est beaucoup plus "encombré". Le tympan de Moissac est remplacé par Avallon  
Le portail de Moissac complet est exposé probablement depuis 1889 en salle H. Vezelay ouvre donc l'aile de Paris alors que Moissac ouvre l'aile de PassyMoissac aujourd'hui dans la salle "Languedoc roman"
A gauche le tympan de Conques.
Dans la salle suivante " Bourgogne romane"  Vezelay  et Avallon (à droite, invisible ici )

Les deux autres musées du Trocadéro

Plan "définitif"du musée d'ethnographie en 1930
Le musée occupait les premiers étages des pavillons encadrant la salle des fêtes. Le musée sommeille jusqu'en 1928 date à laquelle le muséum en prend le contrôle et élabore un programme de travaux avec des galeries reliant les deux parties. Le musée ferme en 1935  pour la préparation de l'exposition de 37. La  salle des fêtes sera démolie  et il faudra complètement revoir le musée: ce sera le musée de l'homme 
Maquette de la porte de Preah Khan. Le musée Indochinois contient moulages et originaux., il est accessible avec le  même ticket que celui de l'aile  Passy du musée de sculpture comparée.


En 1936 on prévoit que la nouveau palais de Chaillot accueillera en rez de jardin  le musée du matériau coté Passy et le musée de l'enregistrement mécanique coté Paris 

Le musée Indochinois

Le musée d'art Khmer de Compiègne dans la salle des gardes du palais. En 1882 le musée indochinois déménage en  bout de l'aile Passy .
Moulage de la tour du Bayon
 Le Naga de la balustrade de Preah Khan au RdJ du pavillon Passy (en bas de l'escalier de la photo précédente). Notez qu'elle a 3 devas alors qu'il n'y en a que deux dans le remontage actuel à Guimet.
Delaporte, successeur de Mouhot, installe un premier musée Khmer dans le palais de Compiègne. En 1882, le musée Indochinois s'installe en bout de l'aile Passy du Trocadéro. Il contient originaux et moulages dont une grande maquette de la porte de Preah Khan. A la mort de Delaporte, en 1925, on transféra  peu à peu les originaux à Guimet . Les moulages et relevés du musée servent à la construction de la reproduction du temple d'Angkor de l'exposition coloniale de 1931. Les moulages seront "stockés" après la fermeture définitive du musée en 36 et échapperont de peu à la destruction.

Les musées de moulages en Angleterre

La cour égyptienne du Crystal PalaceVue intérieure de L'Architectural Museum à westminsterCast Courts au V&A. Le portail du stupa de Sanchi

Au début du XIX e siècle il existe à Londres deux musées privés d'architecture: celui de l' académie d'architecture de l'architecte John Soane et  une collection médiévale de Lewis Nockalls Cottingham. (1) . Le John Soane museum existe toujours
.
En 1851 l'exposition universelle du Crystal Palace comportait des moulages de plâtre d'éléments architecturaux.

L'architectural muséum fut fondé en 1851 et comptait en 1855 une collection de plus de 3000 plâtres médiévaux parmi lesquels les moulages  vénitiens de Ruskin et des moulages  de monuments français.

En Juin 1854 s'ouvre, sous l'impulsion de James Ferguson,  le musée  d'Histoire Naturelle et des Beaux Arts du Crystal palace reconstruit à Sydenham. On y trouve des reconstitutions comme les cours égyptienne, assyrienne, romaine, grecque, byzantine, médiévale, renaissance  ou celle de l'Alhambra. ( regardez  les photos de Delmotte ) Tout cela était très kitsch, peu scientifique, et disparaîtra dans l'incendie de 1936.(2)

Le South Kensington museum ouvre en 1857 ( actuellement nommé Victoria & Albert museum) et des plâtres de l'architectural museum prennent place dans les galeries au dessus des plâtres de monuments classiques.
Les relations entre les  deux musées vont osciller entre concurrence et collaboration marquées par les relations entre deux hommes: C. B. Allen et  H Cole.
L'architectural museum déménage à Westminster en 1869 pendant que le Victoria & Albert ouvre son Architectural Courts ( actuellement  Cast Courts).
Le problème des reproductions d'art  est jugé tellement important qu'une convention internationale d'échange est signée en 1867 durant l'exposition universelle.
Au contraire du musée français qui se crée alors,  les collections anglaises sont internationales et comptent aussi bien le portail de Santiago de Compostelle  que des monuments Hindous
L'architectural museum disparaîtra durant la première guerre mondiale.

  1. Il y a aussi des reproductions   à but éducatif  dans diverses institutions comme la Royal Academy 
  2. Ce musée "grand public"  fut méprisé par l'élite comme l'est aujourd'hui l'exposition itinérante  des moulages du tombeau de Toutankhamon.